Bref, j’ai toujours été bref. Trop. Beaucoup trop bref.
Ça m’a valu bien des pépins, mon p’tit bonhomme !
Pourtant croyez-moi, je n’ai vraiment rien d’une pomme
Mais, là, il m’a cloué le bec, comme un grand chef.
Pour une histoire de nez, une vanne sur son pif
Je m’suis fait ramasser, planter sur le récif
De son inspiration et de sa répartie…
En quelques mots très clairs voici ce qu’il m’a dit :
« C’est tout ? C’est un peu bref, ton cerveau est en short ?
Car moi, je n’y serais pas allé de main-morte !
Tu veux des exemples, éclairer ta matière grise ?
Pour cela, permets qu’un chouïa je dramatise
Et qu’en y mettant le ton, je te pulvérise….
Agressif : « T’as du bol que je sois plutôt cool,
T’aurais bouffé mon blair bien avant mon coup d’boule ! »
Amical : « Mon nez te fait marrer ? T’inquiète pas
Moi aussi, chaque matin, j’en reviens toujours pas… »
Descriptif : « Ce cartilage qui me sert de naze
Ressemble à s’y méprendre à la Pointe du Raz ! »
Curieux : « À quoi peut être utile un tel tarin ?
Comme table à repasser ou comme planche à pain ? »
Gracieux : « C’est parce que j’aime tant l’air du large
Que la nature m’a fait la truffe comme une barge… »
Truculent : « Comprends-tu, tête de pine, qu’à la vue
D’un tel échantillon, les filles me rêvent nu ?! »
Prévenant : « Pareillement équipé, je détecte
Tout obstacle jusqu’au plus minuscule des insectes… »
Tendre : « Être fait ainsi, je le dois à mon père
Qui, comme cet appendice, fut aussi mon repère. »
Pédant : « Ignores-tu, crétin, que tous les génies
Ont un nez en proportion de leur grand esprit ? »
Cavalier : « Putain, en voilà un porte-manteau !
Pas des plus pratiques, mais des plus originaux ! »
Emphatique : « Avec un tel engin, c’est les mains
Qu’on y loge, avec dix doigts dans chaque, pour le moins ! »
Dramatique : « Le jour où je me suis enrhumé,
Pompiers et grande échelle vinrent me déboucher… »
Admiratif : « À ce stade ce n’est pas du flair,
C’est de l’inspiration que vous offre un tel blair ! »
Lyrique : « Là où Alexandrie avait son phare,
C’est beaucoup plus haut, que moi, je te place la barre… »
Naïf : « Sais-tu, petite bite, que si je me ramasse
Il amortit ma chute de façon efficace ? »
Respectueux : « Son ombre me précède, tel un
Ambassadeur fendant la foule des importuns. »
Djeun : « Gavé trop pas discret ton truc sur ta face,
Elle t’aimait pas, ta mère, pour te faire cette farce ? »
Keuf : « Vous avez les papiers de ce véhicule ?
Pas homologué ça, bande de petite crapule ! »
Pratique : « Si sur le crâne tu me mets une toile
J’ai qu’à me mettre à l’eau pour faire planche à voile ! »
Voilà ce que tu aurais pu dire, trou de balle
Si tu savais faire une autre chose dans ta vie
Que tes pauvres petites pitreries sur Canal…
Mais, pour cela, encore fallait-il que l’envie
De trouver les bons mots ne soit pas orpheline
Du dico sans lequel ton cerveau n’est que ruines…
Et puis si tu l’avais pu, t’aurais même pas su
Extirper ces flèches assassines de ta bouche
Car, devant ton air coi et de vrai trou du cul,
Je saisi mon carquois et, à coup sûr, j’fais mouche ! »
Je le savais. Je suis bref. Vraiment beaucoup trop.
Surtout quand je tombe sur ce con de Cyrano…