CHAPITRE 2 : L’IDÉE

J’avais fui. À toutes jambes. Je m’étais vraiment enfui. De ce sanctuaire qui était en train de devenir un mausolée où j’allais finir par crever.
Il m’avait fallu du temps pour me décider. Pour trouver un endroit où poser ma vie, mon histoire et tous ces bagages qui vont avec. Et dont on n’arrive jamais à se débarrasser. Je ne suis pas vraiment difficile. Mais je savais qu’il me serait impossible de changer de vie, que je pouvais juste changer d’appartement. Sans que le nouveau soit trop différent, ni trop loin de ce centre ville, de mon ballon d’oxygène. C’est pour cette raison que ce fut long. Vraisemblablement, aussi, je ne voulais pas vraiment.
Mais depuis quelques mois je faisais du sur-place. Peu de sommeil, beaucoup de virées plus ou moins alcoolisées, des filles faciles. C’est drôle les hommes emploient généralement cette expression quand il ne sont pas eux-mêmes en situation de faire les difficiles… Et puis toujours le vide. Dans ma vie, dans ma tête, sur mon compte en banque. J’aurais dû rendre mon manuscrit l’an dernier déjà. Franck, mon éditeur refusait désormais de me faire la moindre avance tant qu’il n’aurait pas quelques feuillets entre les mains et sous les yeux.
Et le vide. Incapable d’imaginer le moindre début d’histoire, je tournais en rond dans mon appartement. Cet appartement devenu sanctuaire. Depuis qu’elle m’avait quitté. Impossible d’y accueillir qui que ce soit. Ni nanas, ni potes, ni même mon fils. Chaque mur de chaque pièce était un écran sur lequel passait en boucle le film de notre histoire. Et cet écran était toujours là, entre moi et les autres. Chaque odeur était d’elle. Chaque bruit était elle. Chaque couleur, chaque meuble, chaque objet portait sa marque.
Tout était contaminé. J’étais contaminé.
Mais je n’en partais pas.
Sans la mise en demeure – au sens propre – de Franck, j’y serai encore, en train de mariner dans mes souvenirs, mes regrets, mes larmes qui n’arrivaient même plus à sortir et qui restaient là, elles aussi, à l’intérieur, bien au chaud. J’en étais tellement plein que j’allais finir par devenir amphibie du dedans…
Pas le choix, si je restais sans réaction, je me retrouvais à la rue. L’idée m’effleura que ce pouvait être une bonne chose. Pour tout changer, tout abandonner, me mettre en danger et débarquer dans une autre vie comme un aventurier met pour la première fois les pieds dans la jungle. C’est justement ça qui m’a fait réfléchir : je ne suis pas un aventurier, la jungle n’est pas mon jardin et rien que d’y penser je n’ai qu’une envie, fermer la porte à double tour et me planquer sous la couette !
J’optais donc pour l’aventure urbaine et me mis à la recherche d’un nouvel appartement. Ce qui est curieux, c’est que celui que je finis par trouver était à deux pas du précédent. Je n’y voyais bien sûr que des avantages : déménagement simplifié, même quartier, même bruit du tram le matin dès 5 heures, mêmes bonjour-bonsoir avec le voisinage, le paradis social en quelque sorte ! Ce qui est encore plus étrange, c’est à quel point il lui était semblable aussi. Même superficie, même nombre de pièces, même aménagement, même décoration – tout blanc – même orientation…
Semblable mais différent malgré tout. Ça me suffisait.Je crois que ce côté bizarrement familier m’a un peu anesthésié.
Et que, moi qui suis d’habitude si vigilant, tellement sur la défensive, je n’ai pas pris garde, je ne me suis pas méfié.
J’ai décidé.  Je l’ai choisi.
Alors que c’est lui qui me choisissait.

Je ne l’ai pas trouvé tout de suite.
Le temps d’emménager, de faire un peu connaissance. Une habitation c’est comme une personne, avec une histoire, une mémoire, des habitudes. Il faut les respecter et se faire adopter petit à petit. Pour y installer son histoire, sa mémoire et ses habitudes.
Quand j’ai commencé à me sentir un peu plus chez moi que chez « ceux d’avant », quand les relents de leur présence ont semblé suffisamment estompés, je me suis mis au travail. Première étape, décider de l’endroit où j’allais écrire. C’est important. Pouvoir s’isoler, se couper du monde – mais pas trop – pour ne plus penser qu’à ce qu’on veut raconter. Écrire.
Je n’en avais toujours pas la moindre idée.
Cette pièce me semblait parfaite. Pas trop grande, pas un réduit non plus. Dans un  réduit les idées ont du mal à s’épanouir. Bien éclairé, il le faut, je n’ai plus mes yeux de vingt ans. Un peu en retrait de la rue, dans un calme relatif, mais sans être pour autant complètement à l’écart de la vie du dehors. J’aime bien entendre les murmures de la ville en fond sonore. Comme si elle me soufflait des idées.
Oui, cette pièce me paraissait parfaite.
Mais je n’avais toujours pas la moindre idée.
En plus, elle était pleine de placards où j’allais pouvoir ranger mes livres – pas ceux que j’avais écrits, ceux que je lisais – et mes CD, plus quelques vinyles – un petit millier – vestiges de ma jeunesse rock’n’roll… Pour les photos pas de problème, je n’en avais pas. Pas une seule. Si une seule. Ma sœur, ma petite sœur. Mon autre moi. Au féminin si singulier. Pas d’autres photos, je préfère les images qui sont dans ma tête.
Mais Franck n’attendait pas des images. Il voulait des mots. Des phrases, des paragraphes, des chapitres. Que tout ça raconte une histoire.
Et je n’avais toujours pas la moindre idée.
Jusqu’à ce que je le trouve, dans ce placard, sous un tas de photos. Plus qu’un tas un amas. C’est d’abord cette curieuse accumulation qui m’a intrigué. C’était la même photo. À des centaines, des milliers peut-être, d’exemplaires. Une femme, encore jeune, blonde et souriante, mais un sourire où transparaissait de la mélancolie, une peu comme la Joconde. Une sorte de Joconde blonde, bien plus gracieuse avec son visage un peu triste perché sur ce cou si long qu’on pouvait croire à tout instant qu’il allait se briser.
Et lui, sous les photos.
Un ordinateur portable. Avec une pomme sur le dos, comme le mien.
Il aurait suffit qu’il soit d’une autre marque et je n’y aurai pas touché, les PC me donnent de l’urticaire. J’ai appelé l’agence immobilière pour leur signaler cet oubli des précédents locataires. Ils m’ont répondu qu’ils avaient quitté la France pour une destination qu’ils ignoraient et que pour le moment je n’avais qu’à le garder jusqu’à ce qu’ils se  manifestent. S’ils se manifestaient.
Je suis resté 5 jours sans l’ouvrir. Je tournais autour.
Je le prenais en main. Je le reposais. Je me levais parfois la nuit pour m’assurer qu’il était toujours là.
J’ai fini par l’attraper. Par le mettre en marche. Je me suis trouvé devant un écran vide. Pas tout à fait. En fond d’écran il y avait la même photo et dans un coin, un dossier qui s’intitulait « PERSO-F ».
Je ne sais pas pourquoi j’avais la gorge aussi sèche. Comme si j’étais dans la peau d’un cambrioleur. J’étais un cambrioleur. J’entrais par effraction. Je ne sais pas où mais je savais que ce n’était pas chez moi. Pourtant, je ne pouvais m’en empêcher. Deux clics et j’ouvrais le premier fichier, le plus récent sans doute. C’était une lettre qui commençait ainsi  « C’est la dernière fois. La dernière fois que je t’écris. »

Il s’appelait Lionel. Il s’appelle Lionel. Tout au moins si j’en crois la signature de la lettre. J’appelle ça une lettre mais ce n’est qu’une suite de caractères dans un fichier informatique. Du numérique, du virtuel, rien de concret, je ne sais pas si elle a, un jour, été imprimée. Pas envoyée, ça je sais, c’est écrit dès le début. Mais a-t-elle eu un semblant d’existence ? L’a-t-il eue entre les mains ? Qu’a-t-il ressenti en la lisant ? Et après, froissée, déchirée, jetée ? Ou bien passée au broyeur de documents ? Et pourquoi pas brûlée, c’est tellement plus romantique.
D’un seul coup, je me suis surpris. Pourquoi toutes ces questions ? Au sujet d’un individu, de deux individus, que je ne connaissais pas, d’une lettre qui n’était pas de moi, sur laquelle je n’avais aucun droit, d’une histoire dont j’ignorais tout ? J’avais déjà suffisamment à faire avec la mienne, les miennes, ma vie et celle des autres, de cette autre qui n’était plus dans ma vie, qui pourtant y était encore, tellement soudée à mon intimité que m’en défaire serait la pire des auto-mutilations.
Mais un sentiment étrange me poussait à lire et à relire sans relâche, pendant des heures, pratiquement jusqu’à en connaître le contenu par cœur. J’étais fasciné par ce récit, pas vraiment par le style, surtout pour ce qu’il exprimait, qu’il racontait. J’avais l’impression d’être le témoin à retardement d’une noyade librement consentie, presque désirée et je mis à imaginer quelle bouée j’aurais pu lancer à ce naufragé de la vie (de l’amour ?), allant jusqu’à inventer les tenants et les aboutissants qui avaient pu le conduire à ce point de non retour.
C’est là que tout a basculé.
Il y a encore quelques instants, je n’en avais pas la moindre idée.
Maintenant, si.
J’avais retrouvé le mode d’emploi, ou le bouton marche/arrêt, je sentais mon cerveau s’étirer comme au sortir d’une trop longue sieste, ma matière grise reprendre des couleurs, les personnages se dessinaient, les scènes s’esquissaient, rien n’était encore très clair mais j’avais une piste, un fil rouge, une idée ! Cette putain de lettre venait de me l’offrir sur un plateau. Ce roman en panne depuis des mois, j’en tenais un commencement et je savais que je n’avais plus qu’à me laisser aller, qu’à dévider la pelote et le reste viendrait…
L’excitation était trop grande, il fallait absolument que j’appelle Franck, lui expliquer sans trop en dire car, même si mes neurones tournaient à dix mille tours, il n’en sortait pour le moment que des fragments d’histoire dont j’aurais eu bien du mal à lui expliquer l’enchaînement. Non, il fallait juste suffisamment l’émoustiller pour qu’il accepte, cette fois-ci, l’avance qu’il me refusait obstinément ces derniers temps.
Merde, toujours sur messagerie ! Franchement, à quoi sert d’avoir un portable si on ne doit jamais y répondre ! On aurait dit Stéphanie, ma copine de bar. Je sais, la plupart des gens ont de copains de biture, moi j’ai des copines de bar ! Bref, pas moyen de joindre Franck, c’était insensé, après tous ces mois de stérilité, de ne pas pouvoir le mettre au courant de l’heureuse nouvelle ? Le « petit » était en route et plus j’y pensais, plus j’avais la conviction qu’il serait grand, très grand, peut-être le plus grand à qui je donnerais jamais naissance. La perspective de soutirer un paquet d’euros à ce vieux grigou n’était sans doute pas pour rien dans l’exhaltation qui me poussa à venir sonner, malgré l’heure tardive, chez lui. Il finit par m’ouvrir, les yeux un peu ébouriffés par son premier sommeil dont je l’avais extirpé. Je ne lui accordais aucun répit, lui balançais tout ce qui emplissait ma tête depuis la découverte de cette lettre, avec beaucoup de confusion certainement mais pas mal de persuasion aussi puisqu’il interrompit mon déballage verbal en brandissant une Veuve Cliquot Rosé et trois flûtes. Je lui fis remarquer que si je comprenais parfaitement que la nouvelle le remplisse d’une intense joie, il me suffirait d’un seul verre pour célébrer la résurrection de mon hémisphère droit et qu’en conséquence, soit les effets de son grand âge, soit ceux de l’heure avancée lui en avaient fait compter un de trop.

Un frôlement furtif, un léger déplacement d’air et je compris qu’il n’y avait rien de superflu. Elle s’était glissée si naturellement entre nous qu’elle donnait l’impression d’y être depuis le début de notre conversation et son regard ne laissait aucun doute sur l’attention qu’elle avait portée à ce que nous nous étions dit. J’ignorais qui elle était et ce qu’elle faisait, à cette heure-ci, chez mon éditeur dont tout le landerneau littéraire savait les préférences affectives et sexuelles. Et, de toute évidence, elle n’y correspondait en rien.
Il lui tendit une flûte, elle la saisit sans un regard vers lui, en aveugle, esquissa un maigre sourire, la porta à hauteur des nôtres dans un geste cérémonieux, y plongea le bout de ses lèvres, puis la posa sur le dessus de la cheminée et sortit du bureau sans se retourner, sauf au moment de franchir le seuil. Là, elle s’immobilisa une fraction de seconde, me dévisagea comme si elle ne devait jamais me revoir, sa bouche s’animant à peine d’un mot que je n’entendis pas et elle disparut dans le vestibule aussi mystérieusement qu’elle était venue.
Franck maugréa, évoquant vaguement une publication à venir sur le Maroc ou Marrakech, dont elle serait plus ou moins spécialiste et pour laquelle il lui avait demandé un travail de recherches préparatoires… Franchement, je m’en foutais complètement, j’étais là pour mon bouquin et pour repartir avec un chèque, mais, malgré tout, la présence de cette femme m’intriguait. C’est surtout ce qu’elle avait cherché à me dire en silence qui me troublait le plus. Je revoyais la scène comme au ralenti, elle s’arrêtait sur le pas de la porte, me regardait fixement, son visage fermé tendu vers moi et elle prononçait un mot, ou deux ou trois, c’était difficile à dire. Cette séquence squattait mes pensées, passant en boucle, avec divers angles de vue qui, pourtant, ne changeaient rien à l’essentiel : je ne comprenais pas ce qu’elle me disait. À tel point que j’en arrivais même à me demander si je n’avais pas imaginé tout ça.
Décidément, après des mois d’inactivité, ça fonctionnait à plein tube de ce côté-là !
Par contre ce qui semblait, d’un seul coup, en panne, c’était ma ferveur. La perspective de retrouver le chemin de nuits et de pages aussi blanches l’une que l’autre ne me paraissait plus si réjouissante. Je m’étais habitué à la disette, à l’absence d’idée, à l’ordinateur muet et à la page immaculée que pas la moindre trace d’encre ne venait souiller. Finalement, le meilleur roman c’est celui que l’on va écrire. Je me le répétais continuellement pendant cette longue période d’infertilité, tellement que j’avais du finir par le croire. Et surtout ne pas vouloir qu’il en soit autrement. Je me complaisais dans ce néant d’improductivité parce qu’il laissait beaucoup de place, toute la place même, à mon égo qui n’en demandait pas tant. C’est vrai, ne pas avoir l’esprit encombré par ce que j’avais à écrire me permettait de me concentrer sur le seul sujet qui, à la longue, me semblait en valoir la peine : moi, ma vie, mes grands malheurs (souvent), mes petits bonheurs (plus rarement), et puis encore moi et ma vie…
Je savais bien, pourtant, que ça ne suffisait pas à la remplir, ma vie. Surtout depuis qu’elle y avait laissé tout ce vide dont j’étais si certain qu’il ne pourrait un jour être totalement comblé. Je savais aussi que je n’y étais pas pour rien.
Et voilà qu’à nouveau les idées s’invitaient au bal, repeuplaient mon imagination, envahissaient tout l’espace disponible, prenaient leur aise pour s’y installer, faisant le tour du propriétaire comme lorsqu’on revient quelque part où l’on n’est pas venu depuis longtemps. Histoire de reprendre ses repères, de retrouver sa position favorite dans le creux d’un synapse, de reconnaître son lobe préféré et de se dire qu’on n’est vraiment bien que chez soi. Mais résultat, plus de place pour moi. C’est certainement ce qui m’agaçait et faisait désormais ressembler mon enthousiasme à un soufflé trop attendu.

En proie à un doute qui me tenaillait de plus en plus, je sortais de chez mon éditeur bien moins en forme que j’y étais arrivé. L’irruption de cette femme, la façon dont Franck avait expliqué, ou tenté d’expliquer, sa présence, la crainte de me laisser envahir par cette histoire embryonnaire et de la sentir déjà prête à me chasser de moi-même, le vide de mon existence qui brusquement reprenait le dessus… j’étais au bord du malaise et seule une grande bouffée d’air de la rue pouvait me remettre d’aplomb.
Je décidais donc de rentrer à pied.
La respiration de la ville se mit à l’unisson de la mienne et leurs rythmes conjugués scandaient mes pas, m’amenant peu à peu chez moi, ce chez moi qui me semblait subitement ne plus l’être autant que je l’avais cru. Est-ce pour cette raison, mais, inconsciemment, je ralentis la cadence et ma démarche se fit moins assurée. Comme si une part de moi-même cherchait à retarder l’échéance. À m’éviter des retrouvailles à contrecœur avec cet ordinateur et cette histoire dont ma vie n’avait pas besoin mais qui pouvaient, malgré tout, être bien utiles à ma carrière et à mes finances.
Ou bien était-ce ce bruit, cette légère percussion répétitive dont le tempo épousait ma promenade nocturne ? Je tendais l’oreille, curieux d’identifier son origine et, pourquoi pas, son auteur quand je pris conscience de n’être pas dans l’endroit le plus approprié pour ce genre d’investigation. Mon errance post-exhaltation m’avait conduit dans l’ancien fief historique des ferrailleurs, recelleurs, putes, maquereaux, filles de rien, garçons de peu et autre concentré de racaille que seuls quelques extravagants pouvaient trouver sympathiques. Cet univers pitorresque avait été depuis peu remplacé par une érection glaciale d’immeubles de bureaux dont l’agitation diurne n’avait d’égale que le calme mortel qui l’accablait dès la nuit tombée. Muettes, aveugles et dépeuplées, ces tours devenaient alors un repaire idéal. Pour tous les monstres et les terreurs de mon enfance bien entendu, mais aussi pour des autochtones toujours enclins à entretenir leur tradition d’hospitalité si particulière.
Je pressais l’allure. Mon appartement était redevenu à mes yeux un havre douillet et protecteur que j’avais désormais hâte de retrouver. Pourtant, malgré mon accélération, ce bruit, un bruit de pas j’en étais sûr, semblait se rapprocher aussi vite que je cherchais à m’en éloigner. Je ne suis pas un grand sportif mais l’adrénaline commençant à se répandre dans mon corps me donna un coup de turbo propre à semer n’importe quel poursuivant. Autre effet bénéfique de la situation et du stress, les pensées castratrices qui m’avaient envahi peu avant s’étaient tues, comprenant certainement l’urgence qu’il y avait à laisser mon esprit se concentrer sur la menace de plus en plus pressante.
Enfin, une multitude de lumières crues avança vers moi, délimitant une sorte de frontière derrière laquelle mon retour hasardeux allait pouvoir prendre une tournure plus apaisée. C’est ce que je croyais.
Mais le tac-tac obsédant des talons sur le macadam devenait presque assourdissant.
Je me mis à courir.
Et je sus pourquoi je ne pouvais pas semer cet assaillant potentiel.
Quelques mètres devant, une longue silhouette serrée dans un trench en daim chocolat se balançait d’une démarche autant assurée que féminine et ses bottines d’homme battaient une mesure qui éclairait la situation d’une façon inattendue. C’était elle, la femme de Marrakech, celle de chez Franck et je sais très bien pourquoi je tentais alors de la rattraper. Je ne voulais pas en savoir davantage sur elle, sujet qui me laissait indifférent, pas plus que je n’avais l’intention de me lancer dans une incertaine drague de trottoir dont je n’avais ni les moyens ni le désir. Je me disais juste qu’elle était la cause principale de mon retournement d’humeur et je ne le supportais pas.
Parce que je n’avais pas compris ce qu’elle m’avait dit.
Et je ne le supportais pas non plus.

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2 commentaires pour CHAPITRE 2 : L’IDÉE

  1. Naïck dit :

    La suite, la suite !!!

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