Je me souviens. C’était il y a longtemps. Quand j’étais enfant.
Le dimanche matin, pour le petit déjeuner, on avait des viennoiseries.
J’adorais ça. Surtout la chocolatine.
Ailleurs on dit pain au chocolat.
Je préfère chocolatine. C’est plus tendre.
Je me souviens.
À cette époque, il y avait une seule barre de chocolat. Aujourd’hui, deux.
Je ne sais plus à quel moment la boulange a décidé ce changement.
Deux barres.
Deux fois plus de plaisir ?
Ou le plaisir d’avant divisé par deux ?
Je n’y avais jamais réfléchi auparavant. C’est seulement ce matin en regardant ma chocolatine avant de la déguster.
Que je me suis posé la question.
Sans doute aussi parce qu’un brin de mélancolie m’habite en ces premières heures dominicales.
Parce que je suis un peu moins « deux » que ces derniers temps.
Provisoirement, j’espère.
N’empêche. J’y pense.
Que se passerait-il ? Si, demain, il n’y avait, à nouveau, plus qu’une seule barre de chocolat ? Retrouverions-nous le bonheur que nous connaissions alors ? Serions-nous dans le regret perpétuel de ce que nous avions vécu entretemps ?
Finalement, j’ouvre la chocolatine, je rapproche les deux barres pour n’en faire plus qu’une.
Je savoure ce bonheur redoublé.
Même si je sais qu’il serait encore plus grand.
Si nous étions deux.
« Le plaisir est le bonheur des fous, le bonheur est le plaisir des sages »
Barbey d’Aurevilly