Il n’est plus tout jeune. Pas encore trop vieux. Non plus.
Ses éléphanteaux sont partis. Partis découvrir d’autres savanes. Il a des nouvelles d’eux. Parfois. Par FaceBrousse interposé.
Il poursuit son chemin. Dévorer quelques arbustes. Pour se nourrir.
Aussi, les bains de boue. Même s’il lui faut s’asseoir. De plus en plus souvent.
La faute à l’âge. À la fatigue. De porter son poids. Et de tout ce qu’il a vécu.
N’importe. Il a cette force. Cette puissance. Qui lui permet d’avancer. Encore.
D’être le maître de son espace. De sa destinée. Encore. Sans savoir pour combien de temps. Mais il ne compte plus vraiment. Pour lui. Le temps.
Ce qui importe, c’est la linotte. Qui lui rend visite. Parfois. Assez régulièrement. À tel point qu’elle semble avoir toujours été là. Et devoir l’être encore. Pour longtemps.
Elle le distrait. L’amuse, l’intéresse, lui plait. À travers ce qu’elle lui dit. Lui raconte. Lui confie. Lui fait. Parfois. Il se trouve important. Pour elle.
Et ça le rend important. À ses yeux. Ses yeux à elle.
Ils s’amusent. Baguenaudent entre baobabs et arbustes. Parfois, ils plongent dans la rivière. Ensemble. Il prend toujours garde. À ne pas la noyer. Pourtant aucun risque. Si légère et volatile, elle sait. Toujours éviter l’immersion fatale. Elle a sa propre bouée. »Fabrication Française ». Une vraie garantie.
Elle pétille. Volette. Finit même par lui faire perdre. La tête.
Mais il a. Sa mémoire. Infaillible. Constante.
Il lui dit un jour : « Linotte, si jolie et séduisante linotte, parfois j’ai du mal. Tu me dis tant de choses. Et pourtant, ce n’est jamais pareil. Avec ma capacité à ne rien oublier, tu dois comprendre. Mon interrogation. J’ai parfois du mal. À démêler. Le vrai du moins vrai …? »
La linotte ne répondit pas. Pas de suite. Il insista.
Elle finit par lui dire : » Je te dis toujours la vérité. Quand je te la dis. Ce n’est pas ma faute, à moi, si elle change tout le temps. Cette vérité. Je lui cours après. Sans pouvoir toujours la rattraper. C’est pourquoi. Je cherche. Je m’envole. À sa poursuite. Je ne crois pas l’avoir trouvée. Pas encore… »
Le pachyderme resta stoïque. Puis regarda la linotte. Un geste suffit. Avec sa trompe, il écarta une de ses oreilles. La gauche. Derrière, sur le haut de son épaule. Une cicatrice apparente. Quand il s’était enfoncé dans les acacias. Qui retenait la linotte prisonnière.
Elle va, elle vient, elle va. Vers d’autres horizons. Vers d’autres rencontres. Ou ailleurs. Peu importe…
Il poursuit son chemin. Des huitres le manquedi. Quelques amis ou compagnons de route. Du whisky le reste du temps. C’est un éléphant très civilisé.
Il n’oublie rien. Il cherche juste à ne pas trop se souvenir.
Même s’il arrive que la linotte se manifeste. Parfois.
S’ils se voient. Parfois.
Avec plaisir.
Toujours.
Il n’oublie rien.
Il a une mémoire.
D’éléphant.
Il en parlera.
Peut-être.
Un jour.
Parole d’éléphant.
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