Il est là. Posé sur une branche. Je suis en face. Posé sur ma chaise. Une tasse de café dans une main. Une cigarette dans l’autre. Sur ma terrasse.
Comme tous les matins. Rituel immuable . Quel que soit le temps. Hiver comme été. Pourtant ça pique un peu. Ce matin.
Il est là. Immobile. Excepté les mouvements incessants de sa tête à l’affût. De tout ce qui pourrait représenter un danger. Ou une proie. Il a l’air jeune. Son plumage est d’un noir intense. Un peu comme le ciel. Il est très tôt.
Un instant, j’ai l’impression qu’il va s’avancer. Qu’il cherche comme une odeur.
Un parfum.
Il y en a eu. Il s’est dissipé. Depuis belle lurette. Je l’ai pourtant bien en mémoire.
Ce parfum de géranium.
Je m’amuse à l’imaginer. Perché à quelques mètres de hauteur. Une cigarette à la main. Une tasse de café dans l’autre. Mais nul fromage dans son bec.
C’est plus intéressant comme ça.
On aurait pu discuter. De la pluie. Du beau temps. De tout. De rien. De tout, surtout.
Il m’aurait dit qu’il allait partir pour un long voyage. Vers des contrées plus agréables. En cette période de l’année.
Qu’il allait voir d’autres pays, d’autres gens, d’autres climats.
Qu’il en garderait de beaux souvenirs.
Qu’il reviendrait sans doute. Sûrement.
Parce qu’il est d’ici.
Ce qui ne l’empêche d’aller voir ailleurs.
Il l’a donné envie de le suivre.
Mais je ne suis pas un corbeau.
Encore moins un jeune corbeau.
« Les voyages forment la jeunesse, dit-on. Pourvu qu’ils ne nous rendent pas infirmes de notre vieillesse ! »
Léo Myself