Ça caille. Ca pince. Ça gèle. Ça pique. Ca mord. Ce matin. Ça fait un moment.
Que j’ai froid aussi. Dedans, dehors. Partout. J’ai froid. Comme si la banquise m’avait colonisé tout entier. Genre ténia. Mais glacé. Un téniarctique, quoi.
Ce n’est pas faute de tout essayer. Pour me réchauffer.
Technique « pelure d’oignon », douche brûlante, café bouillant. Rien. Ma chaudière intérieure doit être en panne. Va la faire réparer par ces temps ! Tout le monde est surbooké. J’avais bien un dépanneur. Mais il m’a l’air un peu en panne. Elle aussi.
Faut que je trouve. Une solution. Je mets mon cerveau en ébullition. Un minuscule bout d’idée se fraie un difficile chemin au milieu de mes glaçons corticaux…
Les doigts !
Lointain souvenir de mon service militaire. Ce truc ancien qui revient vachement à la mode ! Comme les cheveux longs, les pattes d’éph’ ou les meubles vintage…
Bref, les doigts. Les faire bouger constamment. Pour combattre le froid.
Conseil que, jeune sergent-chef, j’avais entendu. Retenu.
Et dont, désormais vieux Capitaine de Réserve, je me suis souvenu.
D’accord. Mais bouger ses doigts, autant que ce soit utile. À autre chose.
Qu’avoir moins froid.
Là, deuxième idée ! Justement. Les idées. Mes idées, mes pensées.
Si nombreuses, si désordonnées, se cognant les unes aux autres et sur les parois de mon crâne a force de s’agiter dans tous les sens.
Pour avoir moins froid. Pour sortir de ma tête aussi. Peut-être.
Ok. Réglage du siège, paquet de clopes, Jack & Daniel au taquet. Prêt ? Go !
Ils se lancent. Depuis mes doigts ne cessent de bouger. De courir. Sur le clavier. Sans relâche. Sans repos. Sans répit. Tant les idées en fusent, se bousculent au portillon de mon imagination, suscitant émotion, réflexion, libération…le tout sans aucune modération.
J’écris. Comme un mort de faim. Non, de froid.
J’écris comme si ma vie en dépendait. Peut-être.
J’écris parce qu’il faut les bouger. Mes doigts. Mes idées du même coup.
Sans le savoir, ils semblent avoir créé un autre mouvement.
Mes doigts.
Moins perceptible. Plus enfoui.
J’attends de voir.
Pour le moment, je bouge mes doigts, je remue mes idées, je bouscule mes pensées, je fais valser les mots pour camoufler mes maux.
J’ai moins froid. Un peu moins.
Pas encore vraiment chaud.
Pour ça, j’attends.
L’éventuelle dépanneuse.
« Le froid est comme l’hiver. Il a toujours une fin. Mes doigts sont comme mon cœur. Les mots en jaillissent tant que le sang circule. Tant que l’on y croit. Avec un grand A. »
Léo Myself