C’était avant-hier. Corvée pour moi. Nécessaire pour mon frigo. Le remplir un minimum. D’où un tour à la grande surface proche de chez moi.
Question d’économie. De facilité. Pas un choix délibéré. Pas dans ce cas-là.
Me voilà déambulant dans les rayons. Rapidement. Je n’aime pas ces endroits.
J’ai peu d’achats. Si peu que je n’ai pas de liste.
Je tends la main vers un des produits recherchés.
Une voix m’interpelle. Féminine. Puis une autre. Mâle cette fois-ci.
Message d’alerte. Je vais faire une erreur. Énorme. Si je choisis cette « chose »…
C’est le sens de leur interpellation. L’une comme l’autre m’expliquent : « Attention à ce que vous mangez…important pour votre santé…etc. ».
Ils sont pourtant là. Dans le même rayon que moi.
Rayon promo, royaume du « pas cher », du discount.
Je ne sais pas pour quelles raisons, je lui demande son âge. À lui (galanterie désuète ? Scorie de mon éducation ?…). Peut-être histoire d’y trouver une explication de sa grande sagesse. Il me répond et me questionne en suivant sur le mien.
Je lui renvoie la balle. Le laisse deviner. Il tente un chiffre. Je ne déments pas.
Sa réaction me fait sourire. Intérieurement.
Il poursuit son laïus. Insiste sur ma chance d’avoir encore le temps. D’être vigilant.
De mettre à profit cette chance pour modifier ma façon de consommer.
Parce que c’est important. Important, me dit-il, pour « pouvoir mourir heureux »…
J’en reste coi.
Ce serait donc ça, notre objectif ? L’objectif de notre vie ? « Mourir heureux »…
Je suis tenté. De lui rétorquer.
Qu’avant de penser à mourir. Je m’occupe surtout à vivre. À vivre heureux.
J’hésite. Je n’ai pas envie de m’éterniser. Dans ces lieux. Dans cette discussion. Visiblement, d’après nos perceptions réciproques (de nos existences, d’où nous en sommes), il s’imagine probablement être plus près que moi. De « mourir heureux »…
Je jette un coup d’œil aux alentours. Je suis bien là où je crois être. Pas dans le rayon philo. Dans le rayon promo. Les deux semblent pourtant s’y être croisés. Si on veut…
J’accélère le pas. Mes pensées aussi.
Je m’en fous de mourir heureux ! Quel intérêt ?
Je termine mes emplettes. Je voudrais voir mon panier déborder.
10 kgs de plaisir par là. 20 barquettes de bonheur par ci.
De l’amour, du désir, de la joie, des rires…
Ce n’est pas ici. Rien de tout ça ne s’achète.
Ce qui en fait le prix.
Parce que ça n’a pas de prix.
Ce n’est jamais en solde.
Ni en promo.
Tant mieux.
« Le vrai cadeau de la vie, c’est nous donner toujours des raisons d’espérer. Car l’espoir est un miroir. De ce que nous avons été. De ce que nous sommes. Surtout de ce que nous pouvons être. Sans rien brader. »
Léo Myself