Suer. Transpirer. Dégouliner. En principe c’est ce qui se passe. Dans une course. Longue distance. Très longue. En direct de l’antiquité.
De cette façon, impossible de savoir. Si c’est une légende. Ou une vérité historique. N’empêche. Normalement on y perd des litres d’eau. Pas ce soir. Vu la quantité. Qui nous tombe sur la gueule. De flotte.
La chance, c’est d’être dans un empire. Du vin. Château Pape-Clément.
L’équilibre s’en trouve un peu rétabli. Tant qu’on n’abuse pas. Sans modérer, pour autant, son appréciation. Sinon, arrive le point de non retour. Où l’équilibre fout le camp. En prenant la foulée d’un groupe de coureurs.
Repérage des lieux. Sous une pluie battante. Le 1er marathon de Bordeaux (en nocturne !) traverse la propriété. Passe devant le château. Serpente dans les rangs de vignes.
Et poursuit son trajet. Pendant 25 bornes encore. Puisque le km 17 se situe très exactement au milieu de l’allée. Menant vers le porche de sortie. Entre les rangs de cabernet sauvignon et de merlot.
Huit postes de prises de vue. 2 caméras avec leurs cadreurs (Romain et Baptiste).
Et 2 réalisateurs Accomplis. Kyril Spielberg (vague cousin de l’autre). Et Léo Godard (sans rapport avec le cinéaste suisse, sauf qu’il aime le chocolat).
Tout au long du parcours dans ce Grand Cru Classé de Graves, on doit filmer. Tout ce qu’on peut. Sous les averses, sans éclairage diurne, les pieds dans la gadoue, la tête trempée. Principal objectif. Préserver l’objectif. De la caméra. Et faire le plein d’images. Deux heure écoulées (c’est le cas de le dire) depuis la mise en place.
Une heure depuis le départ de la course. Des lumières aveuglantes surgissent au détour de l’allée. Des motos. Fainéants ! Les premiers athlètes ne doivent pas être loin. En effet. Ils arrivent. Les uns après les autres. Espacés de quelques mètres. Ils passent devant nous. Vite. Très vite. On capte leur souffle puissant. Leurs foulées cadencées.
Floc floc croc croc. Sur le gravier humide. Mon cadreur se désespère. Pas assez d’Isos.
Il aura trop de grain. Ou pas assez de visibilité. Quelques groupes suivent. Derniers plans. Et on bouge. Vers un autre emplacement. Il faut jongler. Avec les coureurs qui n’ont d’yeux que pour leur trajectoire. Les phares des motos qui nous aveuglent. Et nos godasses qui tentent de slalomer dans la boue.
Les spots donnent un éclairage irréel. Dans le virage, les vues sont belles.
Et impressionnantes. Des grappes de coureurs. De plus en plus serrées. Denses.
Dansent avec les flaques. Et s’éloignent dans un jeu de lumières féériques.
On dégouline. On sue. Mais on filme.
Un dernier emplacement. Il faut l’atteindre. La partie devient acrobatique.
Flot ininterrompu de coureurs sur la piste. On doit pourtant traverser. Après quelques hésitations, un espace. Dans la file marathonienne. 2 m. Pas plus. On plonge.
On se fait houspiller. Je dis houspiller parce que je n’ai rien compris. À ce qu’on m’a hurlé dessus. On galope. Vite.
Dernière séquence. Le panneau « km 17 » en plein cadre. Ça n’arrête pas.
Des mecs, des nanas, des jeunes, des moins jeunes. Des vieux même. Tous unis dans cet effort incroyable. Surhumain. S’entraidant. « Attention, virage ! ». « Gaffe, ça glisse ! ».
Je décide de retourner au château. Pour une ultime prise vue. La bâtisse est rayonnante. Dans son habit de lumière. Pas le choix. Le trajet des coureurs est limite bouchon.
On passe à travers les vignes. Très attentifs. À la vigne. Si précieuse. En cherchant à ne pas se vautrer. Dérapage. Rattrapage. On parvient au bout. Avec 3 kilos. De terre. À chaque pied. Nos pieds. Celui de la caméra est intact. On le pose. Cadrage. C’est reparti.
Nous retrouvons l’autre équipe. Rapide échange. Sur les conditions de lumière. La difficulté de l’exercice. Pour conclure, du bon boulot.
Trouver refuge dans la pergola. Se réchauffer. Abandonner un peu d’humidité.
En savourer sous une autre forme. Château Fombrauge. Pape-Clément. Les flacons servis sont un délice. Quelques canapés. Pas pour s’asseoir. Pour meubler notre estomac.
C’est qu’on a couru. Nous aussi.
Kyril, toujours aussi perfectionniste, fait encore quelques plans.
Il le dit lui-même « les meilleures images sont toujours celles qu’on n’a pas filmées ».
Plus de marathoniens à l’horizon. Ils n’ont pas fini leur périple.
Nous si. On se pose. Un dernier verre de nectar en main. Puis en bouche.
Replier le matos.
Remercier toutes les personnes concernées de leur accueil.
Voiture. Route du retour.
Pour compléter les canapés, un stop.
Au Mac Do.
Puis très vite.
Dodo.
Je n’aurais jamais imaginé.
Que ce soit aussi crevant.
Un marathon.
« Dans le sport, il faut savoir s’appuyer sur ses qualités naturelles. Plus doué pour lever le coude que les genoux, l’an prochain, je change de discipline. Je fais le barathon. Et peut-être un essai du côtés des bars parallèles (dixit l’Amiral). »
Léo Myself