Trop c’est trop !

TROTTOIRC’est minuscule. À l’échelle de l’humanité. De la planète. Au maximum, 14 cm.
Moins de 20 fois la taille d’une mouche. Autant dire rien.
Pourtant c’est énorme. Parfois. Malheureusement. Du sommet de sa ridicule hauteur, il peut tout.
Cet enculé de trottoir.
Faire trébucher un enfant, péter une cheville, dézinguer un col du fémur, crever une roue de vélo, stopper net une vie. Il peut tout.
Cet enculé de trottoir.
Jusqu’à présent, je détestais peu, hormis les « banksters » (banquiers, assureurs, etc.) et les truqueurs (truqueuses) de l’affect. Je rajoute, à cette courte liste, les trottoirs. Anonymes de l’urbanisme, inféodés à la voirie commune, survivance de ce qui séparait le « haut du pavé » de la plèbe, témoin d’un temps où se mouiller les chausses confinait à l’infamie, le trottoir est à l’existence ce que les crottes de chien sont à la voie publique : un (très) regrettable accident de parcours.
Aux effets incommensurables.
Succession discrète de pavés, ruban de béton ou de bitume, ce petit relief a parfois tendance à se faire plus gros que la grenouille qui s’imaginait pouvoir concurrencer le bœuf de la destinée.
Petite cause, grands effets. Nul n’est besoin qu’il agisse. Il lui suffit d’être là.
Où il faut. Où il ne faut pas. Le faux pas.
C’est son rôle principal. Guetter la moindre erreur. Attendre la distraction. Le verre de trop. Pour nous les faire rejoindre. Les vers.
Ces putains de vers. Comparses de  cet enculé de trottoir.
Je vote pour leur suppression. Immédiate. Définitive.
Libérant ainsi nos déambulations de leur présence nuisible. Rétablissant l’égalité de notre démarche. Plus de contraintes à nos vacations pédestres. Plus de freins à nos ballades. Plus d’entraves à nos cheminements. Plus d’obstacles à nos vies. À nos envies. D’aller jusqu’au bout. Au delà même. De ce à quoi nous sommes destinés.
Je vous conchie, absurdes émergences du progrès, infâmes moignons de l’urbanisation, petits pêts de la chaussée.
Si vous n’existiez pas, lui serait toujours des nôtres.
Votre mesquine victoire est aussi insultante que votre piètre existence.
Pour lui, je vous enjamberai. Pour lui, je vous chevaucherai.
Pour lui, je vous ignorerai. Pour lui, je vous écraserai.
Enculés de trottoirs.
Et, alors, vous n’aurez pas le temps.
Parce que nous serons plusieurs.
Nous serons trop nombreux.
À vous signifier.
Que vous n’êtes que des bordures.
Des ordures.
Enculés.
De trottoirs.

« Notre vie devrait pouvoir vadrouiller à travers les jours comme dans un putain de monde sans trottoirs (d’après Cioran) »
Léo Myself

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