État singulier, conjugable au pluriel, où l’acuité des sens s’accroît.
Alors qu’on aimerait qu’elle s’assoit. Qu’elle se pose une bonne fois. Et nous foute la paix.
Où les souvenirs s’accumulent jusqu’à devenir, parfois, intolérables.
Parce qu’ils nous rappellent que nous l’avons été. Insupportables. Invivables.
Et que malgré tout, nous fûmes aimés. Chéris. Adorés.
Où le temps s’écoule au ralenti.
Histoire de freiner. Les regrets. Les remords. Les retours vers un futur décomposé. Parce qu’on ne peut rien changer. À ce qui a été.
Simplement imaginer une autre suite. À ce qui ne fut pas vraiment écrit. Juste évoqué. Suggéré. Ou provoqué. Par les circonstances. Du moment. Qui n’est plus.
Qui n’est qu’un destin possible. Envisageable. Et pourtant aurait pu ne jamais être.
Qui permet à la pensée de galoper follement.
De nous entraîner dans sa démence. Vers ses démons.
Putain qu’on les aime, ces petits diables !
Pourtant, un jour ou l’autre, une nuit ou l’autre, il faut oublier, il faut tout plier.
Le plus petit possible. Pour le ranger. Au fond de sa mémoire.
Si réduit qu’il peut disparaître. Sauf que.
Ce n’est pas une question de dimension. De surface. De volume.
Mais d’intensité. D’odeur. De goût. Aussi amer puisse-t-il être.
D’un son. D’un rire. D’un soupir. D’une invocation.
Le temps n’y peut rien. N’y fait pas grand chose. Pas suffisamment.
Pour que notre méticuleux origami s’étiole. Se ratatine.
C’est précisément là. Qu’on voudrait avoir une ardoise magique.
Au lieu de synapses et d’un hippocampe. Pour effacer. Oblitérer.
Ce qui, parfois, nous rend timbrés.
N’avoir qu’un tableau à peindre. Et aucun à retoucher.
Seulement des pages à noircir sans archives à consulter.
Une vie à vivre et aucun moment à revivre.
C’est ça.
L’insomnésie.
Etre éveillé.
En plein sommeil.
Et rêver.
À tout ce qui peut se produire.
Sans se soucier.
De ce qui est arrivé.
Puisqu’on a oublié.
Puisqu’on a tout plié.
Même si on sait.
Parfaitement où.
Tout ça est rangé.
« Oublier ou non, finalement c’est pareil. Tout dépend de la direction dans laquelle on regarde. À laquelle on veut croire. »
Léo Myself