Je suis là. Hop ! Je n’y suis plus. Tu me vois. Tu ne me vois plus. Apparaître, disparaître. C’est du paraître au même.
Souvenirs d’enfance quand on m’emmenait au cirque. Bien sûr, il y avait les clowns et leurs grosses farces. Et nos rires à gorge déployée. Les tigres, les lions, les éléphants. Fascinants, effrayants. Au milieu, le dompteur, sorte de Lancelot moderne, sans peur, forçant notre admiration.
J’aimais, par dessus tout, les tours de magie. L’illusionniste dans son frac impeccable.
Ces gestes calculés, sa façon de faire surgir l’inattendu, l’émerveillement. Et son assistante. Dont la plastique l’emportait souvent sur son apport technique.
Mes yeux ne quittaient pas ses mains gantées de blanc. Je cherchais à percer le secret. De ses numéros. Je n’y suis jamais parvenu.
Pourtant, une fois, j’ai accepté d’être son comparse. Je m’en rappelle avec précision. Le cirque Amar, place des Quinconces à Bordeaux. À l’approche de Noël. Il lui fallait un acolyte. Pour passer à la guillotine…
Au premier rang, je fus choisi. Tétanisé par la trouille autant qu’exalté par la curiosité. J’y suis allé. À genoux, la tête sur le billot, je n’avais aucun doute. Ma tête ne tomberait pas. C’était un magicien. Lorsque la lame est fut libérée, j’ai pourtant fermé les yeux. Et donc, je n’ai rien vu. Juste entendu les applaudissements fournis. Je me suis relevé, j’ai salué, regagné ma place. Un sourire figé illuminant mon visage enfantin.
J’étais devenu un apprenti sorcier. Sans comprendre quoi que ce soit. Encore moins que la pomme de terre, placé en dessous de mon cou, se retrouve coupée. En deux…
L’admiration que je portais à cet art s’est estompée. N’en discernant pas les arcanes, je m’en éloignais. Mais il me rattrapa. Plus tard.
Quand la vie me réserva un de ces « je suis là, je n’y suis plus ».
Réalisant alors que l’illusion n’est pas l’exclusivité du cirque. Ou que l’existence est sa plus belles scène.
« Tu me vois, tu ne me vois plus ».
Rendre visible ce que l’on veut. Uniquement. Quand on le veut.
Le reste du temps, détourner l’attention. La fixer sur détail sans importance.
Masquer ainsi ce qui se prépare. Pour mieux étonner. Surprendre. Prendre.
L’admiration du public. Son amour. Le rendre captif. De la prochaine fois. De la mystification à venir. À laquelle nous ne demandons qu’à croire.
Peut-il en être autrement ? Lorsqu’on nous fait, ainsi, retrouver notre âme d’enfant.
Que l’on fait briller nos yeux assoiffés de miracles.
Évidemment. Le rêve est plus beau. Plus lumineux. Plus séduisant. Aveuglant.
Au point qu’on oublie. Ce qu’il est. Juste un mirage. Une façon de nous y faire croire.
À ce que nous voudrions avoir. À cette magie que nous ne faisons qu’entrevoir.
Qui demeure une magie. Incompréhensible. Inaccessible. Toujours dissimulée.
Derrière le rideau.
De ces tours de passe-passe.
Même si rien ne passe.
Surtout pas la tentation.
De se laisser tenter.
Par l’espérance.
Qu’un jour.
On sera.
Ce magicien.
Qui saura.
Rendre la vie.
Aussi belle.
Qu’on l’imaginait.
Dans nos songes d’enfant.
À notre volonté.
D’en faire.
Un conte de fées…
« « La magie n’est qu’une façon de rendre la réalité plus proche de ce qu’elle devrait être.« Léo Myself