Retour sur Terre

Seul. Tout seul. Abandonné dans la nuit. Une nuit noire. Comme on n’en trouve que dans l’immensité intersidérale. Et encore.
Normal. C’est mon job. L’espace. En repousser les frontières connues. Mais au début, on était deux. Un colonel, un truc dans le genre, faisait équipe avec moi. Plus précisément un.e colonel.le. On dit comme ça maintenant. Je crois. Bref une nana galonnée. Pilote expérimenté.e. Pour assurer le coup. Elle n’est plus là.
Abbey. La colonel.le Abbey. Rose de son prénom. Des parents fans des Beatles sans doute. Pfuit ! Disparue. Envolée. Volatilisée. Dans cette nuit si noire. Sans lune. Sans étoile. Pas normal. Rien. À part les lumières. Du tableau de bord. Rouges. Vertes. Blanches. S’allumant. S’éteignant. À un rythme régulier. Trop. Régulier. Pas bon quand ça clignote ainsi. Je le savais. Formé. Entraîné. À détecter le moindre signal suspect. J’ai le flair pour ça. Naturellement.
Arff ! Grrrr ! Je tente. D’établir le contact. À travers de multiples dialectes extraterrestres. J’en maîtrise un paquet. À commencer par les langages humains. Les rudiments essentiels, a minima : ici, stop, assis… Oui, c’est très basique. Les humains sont basiques. Ça les rassure. Ils ont l’impression de dominer. Pourtant c’est moi qu’on envoie. Explorer l’infini.
Wouf ! Ouah ouah ! Peine perdue. Soit les autochtones sont incultes. Soit il n’y a personne. Dans les deux cas, agir. Unique solution. Agir. On m’a choisi pour ça. Mon sens réflexe. Ma capacité de réaction. Instinctive. Bestiale. Foncer comme un pitbull.
Sans me poser de questions. Dont je n’ai pas les réponses. De toute façon.
Les voyants. Les boutons. Je tente. J’appuie tous azimuts. Rien. Changement de tactique. Sauter partout. À droite. À gauche. En haut. En bas.
Putain ! On m’expédie renifler l’univers. Et je me retrouve en train de chercher à exploser les parois de mon habitacle.
Stop ! Mon oreille me démange. Sans doute la puce. Destinée à me localiser. À me rappeler. Que je suis encore vivant. L’apesanteur et ma souplesse naturelle me permettent de calmer l’irritation. De mon orteil gauche. C’est fou ce qu’on arrive à faire. Avec de l’espace. Avec la nécessité. D’échapper. À cette vie de chien.
Je fatigue. Je manque d’air. Langue pendante, lèvres retroussées. Je cherche à reprendre haleine. Sinon, les hallucinations ne vont pas tarder. Elles sont là. Déjà.
La preuve, je renifle mon trou de balle. Histoire de respirer ?
Ma tête tourne, mon estomac gargouille. Dans tout ce bordel, oublié ma gamelle.
Je vais y rester. Au panthéon céleste. Au tableau d’honneur. De la croquette spatiale.
Ma vue se trouble. La puce continue à se goinfrer. J’entends même des voix. Une voix. Je la connais. C’est elle ! La colonnel.le ! Elle est là. Juste de l’autre côté. Elle n’est pas seule. Les secours sont arrivés. Qu’attendent-ils ? Quelqu’un d’autre. Explique. La raison de ce foutoir. Perdu. Ils ont perdu les clés. Pas vraiment. Elles sont juste restées à l’intérieur. C’est une blonde. Qui en parle. Je la connais. Un peu. La capitaine Hachache.
Une sibérienne. Blonde, mais pas con.ne. Oui. Il en existe. Dans mon entourage.
Ici, stop, assis…même couché au besoin !…
Mais sortez moi de là ! Cliquetis. Tentatives de forcer la serrure.
Vite ! Aller pisser. À force de prendre ma vessie pour une lanterne. Elle va finir par éclairer le cosmos entier.
J’accentue mes tentatives. À un rythme effréné. Espérant déjouer toutes les probabilités. Qui sont contre moi. Je le sais bien.
Et puis un clic. Le clic salvateur.
J’ai réussi ! La portière s’ouvre. Libre !
Enfin. Oubliées. Toutes ces heures dans une autre dimension.
Tout se relâche.
J’en pète de joie et j’en pisse de bonheur…
Jusqu’à lécher la colonel.le.
Ressaisis-toi !
« Nom, grade, unité, affectation, présentez-vous, nom d’une pipe ! »
Sergent Apollo.
Section des bouledogues français.
Envoyé en exploration stratosphérique de repérage.
D’éventuels gisement potentiels de carburant.
Si possible.
Résultat : négatif.
Que chi. Nada. Zob. Rien de rien.
La colonel.le l’ignorait.
Ce qui explique.
Qu’on soit tombé en panne.
Enfin, c’est ce qu’elle croit.
Parce que c’est moi le chef.
De la mission.
Du retour.
Sur terre.
À moins.
Qu’il y ait un os.

« Parfois, la survie ne tient canin fil. »
Léo Myself

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