
nuit nocturne contrejour oubli inconscience absence néant mémoire
C’est bien ça le plus chiant. Cette réalité non perçue. Ce temps invécu.
Hop, je m’endors. Pouf, je me réveille.
Entre les deux, que s’est-il passé. ? À part nos rêves. Qui ne laissent pas de souvenirs. Pour l’essentiel. Ceux qui nous restent, restent. Un mystère insondable. Pour la plupart. Sauf pour Sigmund. Mais il n’est plus de ce monde. Pour nous aider. À le comprendre. Ce monde. Et ce qu’ils en racontent. Nos rêves.
Si espérée, parfois, voire souvent, la nuit demeure une absence. Insupportable. Parce qu’il n’y a rien à supporter. En dehors de son inexistence.
En moyenne, un tiers de notre vie lui est dévolue. Ce n’est pas rien. Un tiers. Ça revient à vivre un peu plus de 50 ans. Sans elle. En le sachant. En profitant à 100% du solde. Parfois, on a juste envie. Que la vie s’interrompe. Que s’achève le sprint quotidien. Des problèmes, des merdes auto-régénérées. Des tracas sans fin. On a juste envie. Qu’arrive la nuit. Son rideau occultant. Son effet amnésique.
C’est bien ça le plus chiant. Ne pas en profiter. Vraiment.
Une sorte d’ardoise magique. Qui efface tout. D’un simple aller-retour. Hop, je m’endors. On gomme. Pouf, je me réveille. Surface vierge. Pour quelques instants. Mais où sont ceux qui nous séparent de la veille ? Dans la nuit. Dans ce trou noir de notre existence. Qui suit chaque jour. Les précède. Selon qu’on est couche-tard. Ou lève-tôt. Juste une question de perspective. De point de vue.
Néanmoins, quoi qu’il en soit, elle est toujours là. À un moment ou un autre. La nuit. Avec son drap d’oubli et sa couette sans mémoire de forme. D’informe.
Franchement, c’est chiant. J’aimerais bien les vivre. Ces putains de nuits. Ce puits où s’engloutit l’infini. Où le moindre aléa s’enfuit. Mais ressurgit. Dès le jour venu. Dès l’obscurité levée. Par le jour. Qui reparait. Avec ses lumières insatiables. Son éclairage insoutenable. Rien ne peut se cacher. Se dissimuler. En dehors de la nuit. Elle le sait. Elle. Pas nous. On sait seulement qu’on a eu droit. À un instant. À cet instant. D’aveuglement muet. De silence inaudible. La contraction d’un temps qui nous prend. Puis nous relâche. Sans savoir que nous fûmes prisonniers. De ce qui nous libère. Du poids. De notre existence. Ce poids qui nous entrave. Nous fait chuter. Nous abimer. Sur le bitume. De la réalité. Rugueuse. Implacable. Brute. De décoffrage.
Si évidente. Après l’innocence. De cette nuit. Cette offrande.
Cette parenthèse impalpable. Insaisissable.
Pute à jamais gratuite. Parce que sans conscience.
De ce qu’elle nous donne. De ce qu’on lui prend. Sans le savoir. Sans le sentir. Sans mentir.
Je pourrais tout sacrifier. Pour en vivre une. Les yeux ouverts.
Sur la sensation. La pulsion. L’impulsion.
Qu’elle me donnerait. Si je la connaissais vraiment.
Une de ces nuits.
Qui m’abandonne si vite. Dès que le soleil se lève.
Dès que je vois ma vie revenir.
Si vite. Si fort.
Renvoyant aux limbes.
Cette partie de ma vie.
Que j’aimerais connaitre.
Même à contrecœur.
Que je voudrais pouvoir reconnaître.
Même à contrejour…
« J’ignore si mes nuits sont plus belles que mes jours. Pour en parler, il faudrait que je les connaisse… »
Léo Myself