
Pourtant ça m’est déjà arrivé. D’être seul.
Pour la Saint Sylvestre.
Néanmoins, cette fois-ci, c’est différent.
Parce que j’en ai pris la décision.
Pour fuir.
La haine, l’agressivité, la manipulation, la perversité, la malveillance, la négativité.
Et tout ce qui rend la vie invivable.
Alors, oui, je me suis barré.
Pour éviter la contamination.
Pour me protéger.
Préserver ce qu’il me reste à vivre.
Me sentir vivant.
Au lieu de simplement exister.
Oui.
Je suis allé me réfugier.
Pas loin. Mais seul.
Dans le silence.
Le calme. À distance.
Des invectives. Des reproches.
Aussi permanents qu’injustes.
Aussi violents que gratuits.
Je suis trop vieux.
Pour continuer à m’user.
À m’abraser.
À élimer le peu d’écorce dont je dispose encore.
Vrai miracle, depuis 41 ans je bénéficie d’un rab’ incroyable.
J’aurai du mourir en 1980.
Grâce à mon frère et à la médecine, ce ne fut pas le cas.
Je suis donc débiteur. Et conscient de l’être.
En conséquence, je n’ai pas d’autre choix.
Que d’avoir une reconnaissance infinie.
Pour ce cadeau inestimable.
Qui m’a permis de me marier.
D’avoir deux enfants.
Merveilleux.
J’aurai pu ne pas les connaître.
Et pourtant.
Si je l’évoque aujourd’hui, c’est simple.
Je mesure la chance.
Ma chance.
Impossible de ne pas seulement survivre.
De m’obstiner.
À vivre.
Aujourd’hui, mon unique attente n’est pas compliquée : parvenir à rendre ce qui m’a été offert.
La tolérance, l’écoute, la compréhension, et l’amour.
L’amour pour tout ce qui n’est pas nous.
L’amour pour la différence.
L’amour pour la divergence.
L’amour tout court.
L’amour .
Pour qui veut bien.
Être aimé.
« Pour être aimé, ce n’est pas difficile. Il suffit d’être aimable. »
M. Vergès, dit « « Le dindon » Grand Lebrun-1972